L'Etat a-t-il abandonné le terrain aux dealers à Saint-Ouen ?
Sur BFMTV vendredi 2 mai 2025 au sujet de l'affaire de l'école maternelle provisoirement évacuée depuis avril pour des travaux de sécurisation et l'éradication d'un gros point de deal, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).
Le premier réflexe aurait été de parler d'abandon de l'Etat, de "laxisme", de renoncement au profit des dealers. Et certains l'ont fait.
Or, la ville de Saint-Ouen en est le parfait contre exemple. Depuis plusieurs années, une politique très active d'éradication des points de deal y est menée. Sur la dizaine que comptait Saint-Ouen, seuls deux points de trafic subsistent encore, dont celui situé à côté de l'école.
Le travail entamé consiste à reprendre le terrain sur le long terme, pas à mettre un coup de pied ponctuel et médiatique dans la fourmilière, en modifiant l'urbanisme, en y rétablissant une présence humaine permanente des représentants de l'autorité de l'État et de la ville, en s'appuyant sur les habitants.
Mais outre une volonté politique dans la durée, cela nécessite des moyens conséquents.
Voici ce que dit la Commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, publié en mai 2024, au sujet de Saint-Ouen. On peut souligner ici que ce rapport senatorial est à l'origine de la proposition de loi sur le narcotrafic en France, devenue Loi, après son adoption définitive par le Parlement les 28 et 29 avril dernier.
Extrait du rapport, donc, au sujet de Saint-Ouen.
"De nombreuses affaires témoignent de l'engagement de l'ensemble des services publics dans la lutte contre le narcotrafic et mériteraient d'être décrites par la commission d'enquête. Par souci de concision, le rapporteur a retenu un exemple emblématique, celui du démantèlement du point de deal du 8-Mai-1945 à Saint-Ouen (achevé en avril-juin 2023). Cette opération, qui a fait forte impression, a été décrite aux membres de la commission lors de leur déplacement en Seine-Saint-Denis.
Le succès de cette opération repose sur la coordination de la police nationale, du parquet, du service territorial et de la préfecture mais aussi sur l'implication de l'ensemble des acteurs publics et privés affectés par ce point de deal. En parallèle de l'enquête, la ville a engagé une réappropriation de l'espace public, qui s'est notamment traduite par la réfection des trottoirs, la végétalisation du point de deal, l'installation de commerces au rez-de-chaussée des immeubles et la facilitation de la circulation. Tout au long de ces opérations, les parties prenantes se sont attachées à conduire un travail de pédagogie auprès de la population, notamment pour justifier de la durée des travaux.
Une fois le point de deal démantelé, un dispositif spécifique a été mis en place pour gérer «l'après» : installation de caméras de vidéoprotection, recueil et transmission immédiate des signalements de la population (voitures suspectes, tentatives de revenir dans les bâtiments). Ce sont 2 300 effectifs qui ont été déployés en renfort pendant trois mois environ, avec l'objectif de conduire une politique de « tolérance zéro », en lien étroit avec le parquet du tribunal judiciaire de Bobigny. Les patrouilles pédestres ont augmenté d'environ 10 % et la sous-direction des réseaux parisiens de transport a renforcé sa présence dans les stations de métro de la ligne 13.
La commission d'enquête ne peut que saluer cette stratégie globale, qui a porté ses fruits avec une stabilisation du secteur. Néanmoins, elle illustre aussi l'ampleur des moyens qu'il convient de déployer pour n'éradiquer ne serait-ce qu'un point de deal, alors que la France en compte des milliers. Les effectifs mobilisés sur ces opérations ne peuvent par définition pas l'être sur d'autres missions, qui peuvent être tout aussi prioritaires. Cette question d'allocation des moyens et de son efficience est d'ailleurs celle soulevée par les opérations « place nette".
Extrait à revoir - minute 01:09:51